Pilsner Urquell ou la source originelle: l’invention de la pilsner à Plzeň

Bière tchèque

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Pilsner Urquell

 Pilsner Urquell, la mère de toutes les pilsners

La brasserie Pilsner Urquell de Plzeň a brassé la première pilsner au monde. Aujourd’hui encore, elle reste une référence dans le petit monde des bières internationales.

Les premières bières de Plzeň

Lorsqu’en 1295, le roi de Bohême, Venceslas II, fonde la ville nouvelle de Plzeň, sur une route commerciale qui lie Prague à ses domaines méridionaux, il octroie aux bourgeois de la ville un droit de brassage héréditaire, similaire à celui qui avait été donné un demi-siècle auparavant (1243) aux bourgeois de Brno par son grand-père Venceslas Ier.

La bière produite à cette époque à Plzeň, n’a rien d’extraordinaire, et ne fait pas appel à des améliorations technologiques comme le font les brasseurs bavarois qui sont par exemple les premiers à utiliser la fermentation basse pour produite des bières brunes.

On doit pourtant à un maître brasseur de Plzeň, František Ondřej Poupě (1753-1805), d’avoir inventé les instruments qui permettront une meilleure maîtrise scientifique de la fermentation basse en introduisant le thermomètre et l’hydromètre dans les outils classiques du brasseur.

Il n’en reste pas moins que la qualité des bières de citoyens de Plzeň continue à se dégrader jusqu’à ce fameux jour de février 1838, où 36 tonneaux de bière de Plzeň, jugée imbuvables, sont déversés sous les fenêtres de l’hôtel de ville.

L’invention de la Pilsner

 En 1839, des bourgeois de Plzeň détenteurs de droits de brassage, décide de s’associer au sein de la Bürgerliche Brauhaus (« Brasserie de Citoyens » ou « Brasserie de Bourgeois », en allemand) et font construire une nouvelle brasserie en utilisant les technologies les plus avancées de l’époque. Leur objectif : produire la meilleure bière du monde, capable de rivaliser avec la bière bavaroise.

Pour se faire, ils confient le soin à l’architecte Martin Stelzer de bâtir le nouvel établissement en s’inspirant des visites qu’il a fait dans les capitales mondiales de la bière de l’époque à savoir : Copenhague, Munich et Vienne.  Ils construisent leur brasserie à proximité d’un emplacement riche en eau de source et à proximité de caves de grès afin d’imiter les Bavarois et permettre les deux étapes de la fermentation basse ie. la fermentation primaire en cuve ouverte et la maturation en fût. Les travaux s’étaleront de l’automne 1839 à l’automne 1840.

Ils font appel au maître brasseur bavarois Josef Groll, arrivé dans les valises de Stelzer, pour brasser une bière qui va révolutionner l’industrie brassicole et qui maîtrisait le savoir de la fermentation basse.

Le 5 octobre 1842, Groll brasse sa première bière qui rappelle les meilleures bières de son pays natal : il a bénéficié d’une eau de source très douce, du fameux houblon tchèque (Saaz) et d’un malt clair de qualité. C’est ce malt clair qui va faire la singularité de la bière de Plzeň : traditionnellement, on prenait un malt plus foncé, alors qu’avec ce malt grillé clair, il a donné à sa bière un goût unique et une couleur dorée caractéristique.

Le 11 novembre 1842, « l’or de Bohême », l’ancêtre de la Pilsner Urquell fut vendue pour la première fois aux brasseries Hanes, Zum Goldenen Adler et Zur weißen Rose. Rapidement, des tavernes de Prague et des stations thermales de Bohême distribuent la nouvelle bière.

Pour Groll, en revanche, l’aventure s’arrêta rapidement : les Tchèques, ingrats, ne renouvelèrent pas son contrat en avril 1845 et Josef Groll rentra en Bavière reprendre la brasserie familiale.

Le succès planétaire de la « bière de Pilsen »

En 1856, la bière de Plzeň est servie à Vienne. En 1959, elle arrive dans les tavernes de Paris. Cette même année, la marque Pilsner Bier (en allemand « bière de Pilsen ») est déposée. En 1865, la Bürgerliche Brauhaus exporte les trois quarts de sa production et en 1871, la bière de Pilsen débarque en Amérique.

La brasserie est électrifiée en 1881 et elle s’équipe en moyens de transport (camions et wagons) pour assurer le fret de la glace et la distribution de la bière. En 1887, apparaissent les premières bouteilles en verre. En 1888, elles sont étiquetées.

Comme tout succès, elle est rapidement imitée. A Plzeň même, est ainsi fondée en 1869 la brasserie Gambrinus, puis en 1982 la brasserie Prior. L’appellation « pilsner » quoique déposée est également utilisée par les concurrents de la Bürgerlichen Brauhaus. En 1898, elle dépose un nouveau nom pour sa bière : la « Pilsner Urquell » en allemand, « Plzeňský Prazdroj » en tchèque, « Source originelle de Pilsen » en français. Cela n’empêchera pas la vulgarisation de l’appellation « pilsner » ou « pils ».

La Měšťanský Pivovar au XXe siècle

L’entreprise continue de se développer au début du XXe siècle, acquérant toujours plus de wagons et améliorant ses process de production pour devenir à la veille de la Première Guerre Mondiale l’une des plus grandes brasseries d’Europe ; elle « pèse » alors 5 fois plus que ses concurrentes locales Gambrinus et Prior.

Avec l’avènement de la Tchécoslovaquie, la « Bürgerlichen Brauhaus » devient « Měšťanský Pivovar ». Mais la conjoncture n’est pas très bonne (baisse de la consommation intérieure, perte de certains marchés d’exportation comme les Etats-Unis à cause de la prohibition) et les brasseries de Plzeň se regroupent. Tandis que Gambrinus absorbe de petites brasseries (StaroPlzeň, Stenovicky et Svetovar), Měšťanský pivovar rachète la brasserie Prior.

Finalement, la logique capitaliste s’impose en octobre 1932 avec la crise de 1929, Měšťanský pivovar fusionne avec la maison mère de Gambrinus pour donner naissance à la « Plzeňské akciové pivovary », « brasserie par actions de Pilsen ».

Avec la mise en place de la tutelle soviétique sur la Tchécoslovaquie, la brasserie est nationalisée et fusionnée en 1947 avec d’autres brasseries des environs de Plzeň. Malgré ces vicissitudes, la Pilsener Urquell continue à exporter devenant une source de devises précieuses pour l’Etat tchécoslovaque. Ce même Etat qui en revanche n’investira pas une couronne dans la brasserie pendant des décennies, se contentant de la fusionner en 1955 avec ses concurrents de Karlovy Vary (Karlovarské pivovary) et de Cheb (Chebské pivovary). Le processus se reproduit en 1958, cette fois avec les brasseries de petites villes comme Blatná ou Radnice. Le groupe est débaptisé dans la foulée en « Západočeské pivovary », « Brasseries de l’Ouest » avant de reprendre le nom de « Plzeňský Prazdroj » en 1964.

La Plzeňské Pivovary et l’épopée capitaliste

La chute du communisme en 1989 change les conditions de marché. La société, désormais à capitaux mixtes, prend le nom de « Plzeňské Pivovary » et dispose d’unités de production dans plusieurs villes de Bohême. Disposant de capitaux frais, elle peut investir de nouveau comme en 1992 dans de nouvelles cuves en acier inoxydables et une chaine moderne d’embouteillage.

Les années suivantes voient la brasserie changer de raison sociale (mais pas significativement) plusieurs fois, restructurer son outil de production surdimensionné, lancer une chaîne de brasserie-restaurants (Pilsner Urquell Original Restaurant) et… se développer à l’international avec l’acquisition en 1996 d’une brasserie en Lituanie.

En 1999, après de longues négociations avec l’autorité en charge de la concurrence, la banque japonaise Nomura, actionnaire majoritaire de Plzeňský Prazdroj, fusionne cette dernière avec la maison mère de la brasserie Velké Popovice, alors 3ème groupe brassicole tchèque. Le nouveau holding prend le nom de « České Pivo », « bière tchèque » tout simplement.

En octobre de la même année, Nomura revend sa participation au groupe brassicole d’origine sud-africaine South African Breweries (SAB). En 2000, České Pivo devient le premier exportateur tchèque de bière dépassant son grand concurrent de České Budějovice, Budvar. La suite n’est que l’illustration la consolidation progressive du marché mondial de la bière. En 2002, SAB fusionne avec l’Américain Miller Brewing pour créer un des plus gros brasseurs mondiaux avec InBev : SABMiller.

Dégustation de bières

Appréciation de la Pilsner Urquell

Commentaire de la Rédaction: bière équilibrée au goût marqué avec de l’amertume (un peu plus que la moyenne des bières tchèques).

Appréciation d’Evan Rail sur la Pilsner Urquell:  « Quand elle bonne, elle est fantastique: une lager dorée et claire avec un solide goût de malte et une finale amère marquée. Meilleure non pasteurisée (à la pression). » Note: 4,5/5

Commentaire de Bières du Monde sur la Pilsner Urquell: « Rares sont les imitateurs qui ont réussi à se hisser au niveau de l’original. Le mélange de malt de Moravie et de houblon aromatique Saaz confère à cette bière un excellent équilibre et une saveur aussi nette que rafraîchissante. L’arôme est dominé par un caractère floral, épicé et houblonné ; la saveur douce tout d’abord, s’achève en une finale sèche et amère. »

Annecdote hors sujet: la Pilsner Urquell a été prescrite au pape Léon XIII pour faciliter sa digestion.